Reflets mieux-disants

Publié: 25 janvier 2011 dans Cinéma
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L’intérêt du bassin de la Villette, c’est sa largeur, la perspective qu’il offre vers une sortie de Paris, en fait il suffit de prendre (à contre-courant) le chemin de halage et puis les cinémas ont créé là un pôle d’attraction.

Pourquoi les reflets dans l’eau fascinent-ils particulièrement le soir ? Ils sont comme la toile noire sur laquelle les films se déroulent déjà avant même que l’on ne pénètre dans la salle. Il n’y a pas que le Reflet-Médicis pour faire rêver.

(Photos prises le 14 janvier à Paris. Cliquer pour agrandir.)

Ainsi, d’un film français – ils sont généralement nunuches et sans imagination – qui est à la fois très drôle et plus profond qu’il ne semble : Le Nom des Gens, de Michel Leclerc (pas celui des hypermarchés), avec Sara Forestier, révélée dans la piquante Esquive (2004) d’Abdellatif Kéchiche, et Jacques Gamblin.

A partir d’une mince proposition quelque peu farfelue – baiser les mecs de droite pour faire progresser la gauche – le cinéaste pousse la logique jusqu’au bout et Lionel Jospin lui-même fait son apparition dans l’intrigue : il a vraiment raté une carrière de comédien !

Le patronyme est alors ici montré et analysé comme la clé qui ouvre ou ferme les portes, détermine un destin (le Juif repéré par l’étoile de son nom, et celui qui en porte un à consonance arabe, lui barrant l’emploi parce que son titulaire semble « pas Français »), et peut faire basculer, comme on le sait historiquement,  jusque dans l’horreur.

Le cinéaste Michel Leclerc possède, lui, un nom tout à fait correct, ça fait même limite pseudo comme Arthur Martin, la marque des gazinières.

(Photo : cliquer pour agrandir.)

commentaires
  1. alainlecomte dit :

    c’était bien une Arthur Martin qui avait gagné les 24 heures du mans en 1959?

  2. brigetoun dit :

    les reflets parce que ça bouge mais pas trop – ça occupe confortablement les yeux et libère le rêve

  3. Harmonia dit :

    Bonjour DH…
    Vous avez refait la déco. Très joli. Je me demande comment vous faîtes tous pour faire de belles choses comme cela…
    Bon, je suis un peu en retard mais je propose sur mon blog quelques lettres de Céline. Sans commentaires joints, juste pour se faire une idée soi-même.
    J’espère que cela ne vous dérange que j’en parle ici. Le cas échéant, dîtes-le moi.
    Je n’ai pas compris en quoi baiser les mecs de droite faisait progresser la gauche.
    Cordialement

  4. @ Harmonia : On peut lire en effet des tas de lettres de Céline ici ou là.

    Quant à « baiser les mecs de droite », c’est une des propositions (« quelque peu farfelue ») du film et c’est en le voyant que vous pourrez comprendre cette thèse de fiction.

    Vous pouvez d’ailleurs lire sur le blog de jf le scour cet « appel pour un passage à l’acte » d’un autre genre.

  5. @ brigetoun : vous me faites penser à l’admirable film de John Huston, « Reflets dans un oeil d’or ».

  6. PdB dit :

    Ces deux cinémas (6 salles chacun quand même) qui se font face sont des havres (que devient MK d’ailleurs ? évincé par le neveu, retraite dorée ou pantouflage ? on se perd en conjectures) pour le cinéma dans ce quartier plutôt désert en cet art. Je n’ai pas vu le film (je ne suis pas sûr d’y aller, vu l’argument mincissime -qualité française ?- que vous mentionnez-j’ai l’impression que le film annonce est amplement suffisant…) mais j’aime bien Jacques Gamblin (il doit certainement porter le film à lui seul, j’imagine) (j’ai vu le film annonce sous votre lien, Chasse-Clou).

  7. @ PdB : le film vaut plus que le filet de l’argument et les rires partagent la salle en deux selon une ligne de fracture somme toute idéologique. Outre Jacques Gamblin, acteur au jeu varié, Sara Forestier a un bel abattage. Michel Leclerc a même pu filmer à l’intérieur du mémorial de la Shoah.

  8. M dit :

    Baiser la droite, c’est assez compréhensiblement un rêve de gauche, non? Je m’étonne des étonnements à ce sujet.

    J’aime bien le panier de crabes au dessus duquel trône Jaurès. S’il revenait (et, revenant, n’avait pas l’idée comme tant d’autres de retourner sa veste), ce serait effectivement pour vivre cette situation…

  9. @ M : les retournements de veste, au sein du gouvernement actuel, ressemblent à un défilé de haute couture (normal, en fait). Tous du même acabit ou habit à doublure réversible.

  10. Désormière dit :

    Et Jaurès se retourne dans sa tombe…

  11. Depuis toujours, je l’attends, cette incarcération programmée, peuplée d’accomplissements inavouables et perpétuels !

  12. @ Dom A. : incarcérer, mettre à l’intérieur du cadre.

  13. Sorcière dit :

    « Pince moi je rêve » !

    Pas de problème pour offrir de pincer, je suis une sorcière/crabe ! (signe du cancer 😉 )

    Et puis ça ramène à la réalité hein !

  14. @ Sorcière : la réalité est métro-policée.

  15. Zoë Lucider dit :

    J’ai vu le film et je suis d’accord, au delà de la proposition (les transformations des « baisés » sont rigolotes) et l’apparition de Jospin (incongru avec son auto dérision), le film est léger sur une question grave. On peut rire de bon cœur.

  16. Une parisienne dit :

    Vos reflets en disent plus qu’un long discours…

  17. @ Une parisienne : j’en ai donc encore trop dit !

    @ Zoë Lucinder : excellent résumé du film mais la présence de Jospin n’est pas incongrue, elle fait subtilement intervenir une part de réel dans la fiction…

  18. A propos de l’article de L’Irréductible, et des commentaires suscités hier, sur Céline, grand merci à George Weaver qui vient de m’envoyer l’excellent pastiche publié par Article XI et qui clôt le fuligineux débat lancé par le ministricule Frédéric Mitterrand.

    Féérie pour une autre fois

    • George Weaver dit :

      C’est trop d’honneur : je n’y suis pour quasi-rien.
      Et merci pour m’avoir incité à aller voir ces désopilantes bandes-annonces !

      Je ne me souviens pas d’autre occurrence du terme « mieux-disant » que dans le pseudo-débat de 1986 sur le « mieux-disant culturel » pour l’attribution de TF1, dont on sait qu’elle fut remportée haut-la-main et à juste escient par l’équipe Bouygues-Le Lay…

  19. Jean-Luc dit :

    « Le nom des gens » est un film très drôle, il faut décider PdB à aller le voir.
    Sara Forestier est un régal, elle vaut largement Jacques Gamblin, et porte à elle seule plus que la moitié du film. Elle développe une énergie (dont on comprend qu’elle fatigue parfois Arthur Martin) qu’on avait déjà apprécié dans « L’esquive ».

  20. @ Jean-Luc : Sara Forestier est déchaînée ! PdB comprendra que ce n’est pas le style « qualité française » mais plutôt une sorte d’Ovni cinématographique (Ovnic), avec créativité présent-passé, qu’il ne faut pas laisser s’enfuir.

    • PdB dit :

      j’irais bien voir ce film, c’est d’accord, seulement avant je veux voir celui avec Mickael Caine, puis Incendies, et aussi, mais moins sûr « somewehre » de la Coppola. Voyez, il y a des priorités ptête (hier soir,y’avait Marnie à la télé en plus) (Chasse Clou, « ministricule » pour le neveu c’est d’un très joli comique, bravo !!!) (on ajouterait bien poil auk mais bon, restons urbains) (hein)

  21. @ George Weaver : je me souviens de l’expression brandie par le duo Bouygues-Le Lay dont on a vu comment, par la suite, le deuxième larron se préoccupait principalement des « cerveaux disponibles » pour Cocoa-Cola sur sa chaîne en petite tenue.
    Le terme « mieux-disant » est employé habituellement lors de l’attribution de marchés publics : par exemple, l’Hôtel de la Marine en est, ces temps-ci, un exemple éclatant.

    • George Weaver dit :

      Au temps pour moi (mais je ne fréquente pas trop ce milieux-là…)
      Il faudrait retrouver ce haut moment de télévision où François Léotard, alors ministre de la Culture (tiens, tiens…) et de la Communication, si je ne m’abuse, justifiait l’attribution de TF1 à Bouygues par cette histoire de garanties culturelles…
      Je me souviens aussi de cet autre moment fort de l’histoire de la télé : les premières images de « La Cinq » tout nouvellement attribuée à un autre homme de culture, Silvio Berlusconi — une moto roulant à vive allure et Guillaume Durand débagoulant en costard-paillettes…

  22. @ Goerge Weaver : oui, mais Léotard avait une excuse : son frère.
    Quant à Berlusconi, il a montré qu’il aimait aussi l’absence de paillettes !

  23. @ George Weaver : c’était juste parce que je pensais à lui.
    Berlusconi a ruby sur l’ongle (?) en ce moment.

  24. Nomade dit :

    Les reflets dans l’eau sont parfois bien étranges. Du côté du lac où j’habite, j’ai une large vision de la côte Nord du Léman à une distance entre 4 et 10 km. Or certaines nuits, il n’y a pas de reflets, je dis pas un seul, de l’autre côté du lac, pourtant le plus brillamment éclairé. On a l’impression d’un immense trou noir entre les côtes opposées, trou noir dans lequel on se sent disparaître rien qu’à le survoler en pensées. Etrange…

  25. @ Nomade : cette description vaut bien une photo à elle seule.

  26. JEA dit :

    Photo : « pince-moi, je rêve ».
    Hélas, avec le crabe, c’est parfois : « pince-moi, je crève »…

  27. @ JEA : gardons le mieux possible la première acception.

  28. @ PdB : ce film n’est pas une priorité, juste l’illustration d’une photo !

  29. Sophie K. dit :

    (On ne dira jamais assez le mal fait par le trio Bouygues-Le Lay-Mougeotte à l’ensemble des cerveaux de ce pays, y compris au plus haut niveau…)
    Merci, Dominique, pour ces reflets. Et pour le débat passionnant de l’article précédent.

  30. @ Sophie K. : un jour tout cela devrait se « refléter » quelque part, dans la rue ou dans les urnes !

  31. lignes bleues dit :

    reflets navigateurs : attention de bien vérifier les amarres, un moment d’inattention et voilà le bateau lumineux parti pour une traversée de la Manche et un éperonnage (1 ou 2 n, rien ne plait) du bateau Westminster (Quotiriens) et nous voilà à la veille d’un nouveau Trafalgar.

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