Je l’ai retrouvé hier soir au milieu d’autres de ses livres parus aux Editions de Minuit (situées idéalement 7, rue Bernard-Palissy, Paris-VIe), si étroit que je l’ai soumis à ma règle transparente : Instantanés, d’Alain Robbe-Grillet, mesure 9, 4 cm x 17, 9 cm (un 10 x 18 est plus large et un tout petit peu moins haut).
Ce sont des nouvelles, parues en 1962, qui ressemblent à des photographies, d’où le titre sans doute. Des prises de vues littéraires, un style « objectif », des cadrages sans fioritures, du noir et blanc évidemment, les 109 pages en attestent.
J’ai scanné l’exemplaire (quel mot sublime !) à côté d’un crayon qui vient de chez Franprix et qui portait de manière prémonitoire une gomme à son sommet (l’équivalent de l’étoile blanche d’un stylo Montblanc ?).
(Scan : cliquer pour agrandir.)
Alors, je l’ai relu dans la soirée (trop de bruit dehors, confondu avec de la musique), ce mince volume d’Alain Robbe-Grillet – j’ai repensé aussi à ses films – je ne sais plus quand je l’ai acheté, je n’ai pas noté la date. J’ai regardé ce cliché-là, par exemple, il est vrai que cet auteur classé « Nouveau roman » n’est plus du tout à la mode (tant mieux) :
« Un groupe, immobile, tout en bas du long escalier gris-fer, dont les marches l’une après l’autre affleurent, au niveau de la plate-forme d’arrivée, et disparaissent une à une dans un bruit de machinerie bien huilée, avec une régularité pourtant pesante, et saccadée en même temps, qui donne l’impression d’une grande vitesse à cet endroit où les marches disparaissent l’une après l’autre sous la surface horizontale, mais qui semble au contraire d’une lenteur extrême, ayant d’ailleurs perdu toute brusquerie, pour le regard qui, descendant la série des degrés successifs, retrouve, tout en bas du long escalier rectiligne, comme à la même place, le même groupe dont la posture n’a pas varié d’une ligne, un groupe immobile, debout sur les dernières marches, qui vient à peine de quitter la plate-forme de départ, s’est figé aussitôt pour la durée du parcours mécanique, s’est arrêté tout d’un coup, en pleine agitation, en pleine hâte, comme si le fait de mettre les pieds sur les marches mouvantes avait soudain paralysé les corps, l’un après l’autre, dans des poses à la fois détendues et rigides, en suspens, marquant la halte provisoire au milieu d’une course interrompue, tandis que l’escalier entier poursuit sa montée, s’élève avec régularité d’un mouvement uniforme, rectiligne, lent, presque insensible, oblique par rapport aux corps verticaux.(…) »
(Instantanés, Dans les couloirs du métropolitain, I. – L’escalier mécanique, pages 77-78.)
et me donne envie de chercher à en dénicher un exemplaire.
Le bruit mêlé de musique m’a envoyé vers des polars connus par coeur, incapable de toute lecture
@ brigetoun : Musique imposée et musique choisie : tel est le dilemme… Je n’ai pas regardé s’il était paru un jour en poche.
Cela ne doit pas être facile de lire Robbe-Grillet dans le bruit…
@ gballand : il suffit de gommer l’extérieur.
voici en effet à quoi peut servir un blog: une chasse aux trésors, un cadeau. Dans le rayon « Minuit » le butin est abondant, et la haute mer des livres nous guérit de l’écume du moment. Etes vous tabarlyste ?!
@ Jacques D : je n’ai pas de catamaran !
Voilà un bon et beau début de journée, merci.
@ Eugenie : il suffit d’oublier la pluie (à Paris, en tout cas)…
pour moi, Robbe Grillet, (son instantané n’est pas si mal) c’est « l’Année dernière à Marienbad » (ici :
une critique comme je les aime) plus que d’autres films discutables (disons)(probablement parce qu’il n’y est « que » scénariste, et que Resnais était à la manoeuvre, je suppose)
Il fait beau sur Paris, en effet, on va prendre son pébrok pour aller au café je crois…
@ PCH : certes, c’est son film le plus connu, mais il en a réalisé d’autres – à sa manière originale – dont le mystère enveloppe encore après la vision (Trans-Europ-Express, Glissements progressifs du plaisir…).
Il y en a un seul que je n’ai jamais vu : Gradiva vous appelle (2007).
Si ARG avait connu l’escalier-piano de métro qu’en aurait-il fait?
@ M : John Cage n’y avait pas pensé (c’est pénible, la pub Windows imposée, quand il n’y a pas une croix pour l’éviter, comme certaine musique de rue)…
Très chic la gomme associée à un sommet alpin !
@ Une Parisienne : ARG aime l’escalade.
Et un bel érotomane! D’ailleurs, il place ses virgules comme des coups de langue,
C’est à peu près tout; le reste, franchement, j’ai gommé.
@ Dom A. : ses livres et ses films (pour moi) méritent le détour.
Bonjour
Merci de m’ avoir faire connaitre cet auteur
@ ΔΟΝ ΚΙΧΩΤΗΣ : j’ignore s’il est traduit et diffusé en Grèce, il est vrai que ce n’est pas le sujet de préoccupation numéro 1 en ce moment chez vous.
Chez nous c est l occupation des neoliberaux avec l aide precieuse de nos gouvernementaux Le peuple est toujours absent et heureusement pas encore muet .
Les cries ne sont pas si fortes encore pour demolire les rempars de Yeriho
Cette fois sont les habitans de Yeriho qui ont le droit de se liberer.
Certains livres classics d Allain Robbe Grillet ont ete traduit en Grecs editions Polis et Nefeli
@ Δον Κιχώτης : il va falloir beaucoup de trompettes !
Tiens, voilà qui me donne envie de relire Topologie d’une cité fantôme, dont les belles visions hamiltoniennes avait ravi un après-midi d’ennui à la bibliothèque universitaire de Créteil, dans les années 90.
@ David : les livres d’ARG restent intangibles.
L’escalier mécanique – nommé également escalier roulant et que d’aucuns désignent comme escalator – qui monte ou qui descend, est tout à fait représentatif des glissements progressifs du plaisir, et par là parfaitement robbe-grilletien.
@ Désormière : il fait même un bruit de grillon, dans ce glissement…
Il était très à la mode lorsque j’étais en fac. Depuis, c’est vrai, je l’ai presque totalement oublié.
@ calystee : « Dans le labyrinthe » (du temps)…
C’est vrai que l’extrait donne envie de le lire en entier. Merci pour cette découverte.
@ ceriat : il se lit très rapidement (si on le trouve encore).
Il faut du temps pour le lire comme Claude Sarraute je trouve. Par contre les films et pourtant j’aime le lent, non.
@ caro.carito : je parlais de ce livre précisément. Pour les films, question de goût.