Le 17 janvier, Libération titrait en une : « A qui le tour ? ». Nicolas Demorand n’était pas encore pressenti aux commandes et la question semblait presque iconoclaste, après la fuite de Ben Ali de Tunisie, le 14 janvier, sous la formidable pression des manifestants.
Hier soir, France 2 ouvrait son « 20 heures » par le sujet suivant : « Victoire de l’équipe de France de handball contre la Suède », et enchaînait quand même avec la situation insurrectionnelle en Egypte, alors que depuis plus d’une heure des chaînes comme iTélé ou BFM TV montraient en direct les affrontements, dans les plus grandes villes du pays, entre les manifestants, la police et l’armée.
Pour le reportage « lancé » par l’aimable Laurent Delahousse, qui mettait en garde les téléspectateurs contre la violence de certaines images, la plupart des plans avaient été filmés dans l’après-midi (matraquages, tirs de grenades lacrymogènes, un visage en sang…). Pendant ce temps-là, des camions étaient en feu, des véhicules de la police caillassés, une foule immense faisait reculer les forces de l’ordre, des bâtiments officiels brûlaient au Caire et à Alexandrie, les blindés de l’armée prenaient possession de la nuit.
(Capture du monde.fr ce matin à 7h.20. Le tag a été rajouté.)
Dans la soirée, le discours de Hosni Moubarak, président désormais honni (au pouvoir depuis le 14 octobre 1981), semblait la copie conforme du dernier prononcé par son « collègue » tunisien Ben Ali, avant qu’il n’embarque fissa en avion vers une destination exotique.
Une fois de plus, « le service public » télévisé français apparaissait dépassé par les événements et incapable de mesurer – ne serait-ce qu’en les montrant – les enjeux en cours. David Pujas préparait déjà sans doute sa valise pour aller faire « un direct » dans quelques jours au Caire, une fois « le Raïs » débarqué ou la situation redevenue plus calme, comme il l’avait fait à Tunis, triomphant après coup.
Internet avait été bloqué par les compagnies de téléphone, sur ordres venus d’en haut, et même les communications téléphoniques ordinaires étaient devenues impossibles : Hillary Clinton elle-même demandait qu’elles soient rétablies.
Après la Tunisie, l’Egypte… La pyramide des différents potentats s’écroulait, les peuples s’exprimaient, ici ou là, et faisaient bouger l’horizon de l’espoir. Rien n’était donc jamais impossible dans le domaine politique ?