Archives de 21 octobre 2010

La vidéo (mais ce n’est pas du cinéma) roule et se déroule sur l’écran au fond de la scène, les arbres en noir et blanc sont serrés et pointus, ils défilent en cadence tandis que la voix off entonne des mots, des phrases, des souvenirs, des sentiments qui mènent vers la destination finale, ce « balcon en forêt », ce chalet perdu dans la montagne.

La pièce d’Olivier Cadiot, Un nid pour quoi faire, est jouée au Théâtre de la Ville, à Paris, du 19 au 23 octobre, elle a déjà été représentée lors du dernier festival d’Avignon. Je me souviens d’une photo (Olivier Roller ?) de son auteur parue dans Le Monde, avec un article élogieux sur cet écrivain qui confie la mise en scène de ses livres à Ludovic Lagarde pour leur transformation, leur recréation.

Sur les planches du chalet en bois, la cour d’un roi avec divertissement reconstitue son empire, son emprise sur l’univers environnant (un village éloigné) : l’aboutissement de l’idéologie dominante devient un maelström d’attitudes convenues, de révérences obligées, de radio nationale remémorée, de slogans ressassés (« A mort Bob Dylan ! », « A mort Joan Baez ! »…), de projets publicitaires, d’expéditions dans la neige sur des pistes bientôt privatisées qui se dessinent et se lient dans un joyeux méli-mélo.

Le « nid » où « le corps du roi » est protégé ressemble à un bunker de bois, avec échelles pour la sortie vers l’extérieur ; le décor sent vraiment le sapin.

Ici, prétexte ou post-texte poétique à une réflexion sur le pouvoir : le « mixer » comme symbole de la centrifugeuse des êtres humains et de leurs différences (le mot « retraites » est prononcé à plusieurs reprises), broyage du non-conforme, déviant ou étranger, machinerie des enjeux de puissance, fusil Mauser à portée de main.

Tout cela se skie, se danse, se chante, se musique (étincelant Rodolphe Burger) et le roi (jeu extraordinaire de Laurent Poitrenaux) possède presque toute la vie devant lui. La neige tombe silencieusement comme un rideau de théâtre passé.

Olivier Cadiot a écrit aussi Retour définitif et durable de l’être aimé (titre ciselé) en 2002, mis en scène également par Ludovic Lagarde : le livre avait été réédité en Folio (n° 4729, avril 2010),  son auteur se passe en beauté d’une couronne littéraire.

« Sanctus ! » prient à certains moments les personnages de la pièce.

(Photos : cliquer pour agrandir.)