Archives de 28 octobre 2010

On se souvient de l’affaire des micros du Canard enchaîné , posés en décembre 1973 par la DST de l’époque, et du titre de l’hebdo satirique : « Oh ! Marcellin ! Quelle Watergaffe ! ».

C’est le même ministre de l’Intérieur qui avait tenté d’interdire le film Un Condé, d’Yves Boisset, en 1970.

(Photo prise le 26 octobre à Paris. Cliquer pour agrandir.)

Mais les micros… portables volés dont il s’agit ces jours-ci sont ceux appartenant à des journalistes du Monde, du Point et de Mediapart travaillant tous sur l’affaire Bettencourt-Woerth. Des cédéroms des enregistrements de la veuve célèbre du parfumeur ont également disparu lors du dernier cambriolage révélé.

Que signifient donc ces vols au-dessus d’un nid de micros ?

Trois hypothèses peuvent être d’ores et déjà émises.

— Il s’agit d’un acte de délinquance ordinaire : de petits truands, qui ne connaissent rien à la politique et ne savent pas que le ministre des retraites et son grand vainqueur est Eric Woerth, se disent que dans les locaux d’un journal on trouve forcément des ordinateurs et que, Noël approchant, il est tentant d’aller se servir sur place, le soir, plutôt que de  subir dans quelques semaines la foule aux caisses de la Fnac. On avise, on choisit au hasard, on embarque, on éteint les lampes de poche et on referme la porte, ni vu ni connu.

— Cette ténébreuse affaire montre que l’insécurité n’a toujours pas été jugulée par Nicolas Sarkozy (qui fut pendant quelques années ministre de l’Intérieur) et que l’homme en charge de la situation, Brice Hortefeux, est complètement dépassé par les événements. Déjà, l’histoire – montée en épingle par une presse tendancieuse – des « policiers provocateurs » a terni quelque peu le teint rubicond et les cheveux blonds du responsable des forces de l’ordre. Cela tombe mal car ce petit incident va être exploité par l’opposition de gauche, faute d’avoir su mener le « mouvement social » jusqu’au bout : « l’essoufflement »  est patent et répété à longueur d’ondes, la loi instaurant la réforme des retraites est votée, l’épisode politique délicat enfin terminé.

— La troisième hypothèse à prendre en compte est celle-ci : la presse papier ou électronique, qui vivrait dans un certain marasme, a besoin de faire parler d’elle et d’engranger de nouveaux lecteurs ou abonnés. Rien de tel alors que d’inventer des cambriolages bidons, « sans effraction », ce qui permet de hurler à la censure, au bâillon qu’un pouvoir tentaculaire veut mettre sur quelques scribouillards dont le seul plaisir est d’aller fouiller dans les poubelles (pas celles entassées devant deux ou trois lycées en France ou ayant quelque peu empuanti l’air marin de Marseille) pour en sortir des documents privés ou dont la justice a la garde.

(Détails de la photo précédente. Cliquer pour agrandir.)

Il n’y a donc pas lieu de s’affoler : en France, la presse est garante de la démocratie, c’est  le fameux « quatrième pouvoir ». Qui oserait – sans risquer le retour de bâton ou de tonfa – s’y attaquer de manière aussi grossière ? La loi du 4 janvier 2010, votée sous le quinquennat en cours de Nicolas Sarkozy, protège le secret des sources des journalistes : il est parfaitement impensable que ceux chargés de la faire respecter couvrent ainsi un tel viol !

Non, les trois hypothèses avancées par L’Irréductible n’en font qu’une : désormais, dans les jours qui viennent, afin de juguler la montée de l’insécurité, des policiers remplaceront les journalistes dans les rédactions dites « sensibles ».

Cette mesure de salubrité publique sera, d’une part, plus dissuasive pour les malfrats soumis à la tentation du chapardage à cause des fêtes de fin d’année, et, d’autre part, plus claire pour les lecteurs de certains médias peu recommandables jusqu’alors.

(Photo prise également à Paris le même jour. Cliquer pour agrandir.)