Ils fermaient violemment les yeux, ils étaient seuls au monde, dans celui-ci ou dans un autre, la passerelle jouait l’oubli malgré son tablier légèrement mouvant et l’eau sous elle comme un aimant vert : je me suis hâté et puis j’ai eu envie une dernière fois de les regarder, je me suis retourné vers eux et j’ai pris une photo à la volée de l’instant magique (je n’étais pas sûr qu’il fût net, et les immeubles seront coupés).
La rambarde de guingois les a retenus, ils se souviendront de l’endroit où ils ont échangé ce baiser dont j’étais le témoin trop indiscret. J’ai repensé, en descendant les marches de l’autre côté du canal, à un livre d’André Breton & Paul Eluard paru en 1930 – Seghers 1961, mon exemplaire a été achevé d’imprimer le 10 mai 1968 par Offset Aubin à Poitiers (Vienne) – et réédité cette année, en janvier : L’Immaculée Conception, avec une préface de Philippe Forest. La couverture est illustrée de la même gravure de Salvador Dali.
« L’homme et la femme qui s’aiment ne s’aiment pas assez pour s’assassiner la première fois qu’ils se voient. » (page 58)