Archives de la catégorie ‘Poésie’

(Photo prise sur l’A1 le 11 juin. Cliquer pour agrandir.)

Vous finirez par nous gâcher totalement la vue

avec vos champs d’épandage électriques

pauvres pantins articulés

leurs bras moulinent et brassent de l’air

watt else ?

de près ils produisent même de la musique concrète

gigantesques moustiques plantés ici et là

l’horizon se meuble à la vitesse grand V

de vos zigotos métalliques

c’est écologique votons pour ce land art

il y avait déjà les tours de la centrale de Tricastin

Béatrice Romand se souvient de ce Conte d’automne

maintenant sur la terre la mer

et comme au ciel (pensez à des Zeppelin avec grandes hélices)

Don Quichotte peut repartir en croisade

tandis que Berlusconi a pris un nouveau coup dans l’aile

jouez hautbois résonnez musettes !

Benoît Dehort

(Led Zeppelin, Achilles Last Stand)

Métro, boulot, moto

Publié: 27 Mai 2011 dans Poésie
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Comme un petit train Hornby, au loin, qui naviguerait au-dessus la Seine : aussitôt vu, aussitôt disparu, métro vert et blanc ; mais sur le quai, en roulant, garder les yeux uniquement sur le compteur de vitesse ((ne pas dépasser ici les 50 km/h), radars planqués, un vrai boulot.

 (Photos prises le 24 mai. Cliquer pour agrandir.)

Et puis, ces chevaux modernes toujours à l’heure – bracelet électronique ? – qui caracolent sur la façade du Louvre. J’imagine aussi les tours de Notre-Dame comme futur support commercial vantant, par exemple, Coco de Chanel (mannequin sur belle moto, jolies couleurs crème) : les canaux de la pub demeurent impénétrables.

(Photo : cliquer pour agrandir.)

(Steve Reich, Different Trains)

Vous passez juste innocemment

et puis vous vous dirigez jusqu’ici

rien n’indique assez vite le danger

encore un manque évident d’information

pourtant il y a dans les rues des dents

des monticules qui vous soulèvent

si vous êtes en voiture

des renoncules qui vous élèvent

si vous êtes à pied ou à cheval

un peintre s’est installé juste dans le coin

établi on dirait un des deux frères Caillebotte

qui saisissait des photos mais en noir et blanc

il repeint des carrosseries

à gorge déployée il en rit

en plein air sous les nuages pressés

une étoile pour Staline une autre pour Lénine

et même au hasard une Vespa

la rue observe et se réserve et se gondole

Buren a laissé des traces verticales

et horizontales

il fait flèche de tout bitume

faut-il qu’il expose là aussi

nom de nom !

(Photo : Paris le 24 mars, rue Dieu, 10e. Cliquer pour agrandir.)

Benoît Dehort

« Jackal, we sniff after the survivors of caravans.

We reap bloody crops on war fields.

No meat of any corpse deprives our lean bellies.

Hunger drives us on scented winds.

Stranger, traveler,

peer into our eyes & translate

the horrible barking of ancient dogs. »

****

« Chacal, nous reniflons les survivants des caravanes.

Nous recueillons les récoltes sanglantes des champs de bataille.

Nos ventres creux ne sont privés d’aucune viande, d’aucun cadavre.

La faim nous conduit sur des vents parfumés.

Etranger, voyageur

regarde-nous dans les yeux et traduis

l’horrible aboiement des chiens antiques. »

Jim Morrison, Seigneur et nouvelles créatures, Christian Bourgois éditeur, 1976 (10 x 18 n° 1219, traduction Yves Buin et Richelle Dassin, pages 218-219).

(Photo : passage St Pierre Amelot, Paris, 11e, hier, 9h.47. Cliquer pour agrandir.)

Ils fermaient violemment les yeux, ils étaient seuls au monde, dans celui-ci ou dans un autre,  la passerelle jouait l’oubli malgré son tablier légèrement mouvant et l’eau sous elle comme un aimant vert : je me suis hâté et puis j’ai eu envie une dernière fois de les regarder, je me suis retourné vers eux et j’ai pris une photo à la volée de l’instant magique (je n’étais pas sûr qu’il fût net, et les immeubles seront coupés).

La rambarde de guingois les a retenus, ils se souviendront de l’endroit où ils ont échangé ce baiser dont j’étais le témoin trop indiscret. J’ai repensé, en descendant les marches de l’autre côté du canal,  à un livre d’André Breton & Paul Eluard paru en 1930 – Seghers 1961, mon exemplaire a été achevé d’imprimer le 10 mai 1968 par Offset Aubin à Poitiers (Vienne) – et réédité  cette année, en janvier : L’Immaculée Conception, avec une préface de Philippe Forest. La couverture est illustrée de la même gravure de Salvador Dali.

« L’homme et la femme qui s’aiment ne s’aiment pas assez pour s’assassiner la première fois qu’ils se voient. » (page 58)

(A Paris, le 2 mars. Cliquer pour agrandir.)

Dans le caniveau rougi

Publié: 17 janvier 2011 dans Poésie
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Vos armes, rangez-les au magasin des accessoires

avec un solide cadenas

vous avez arrosé tous azimuts mais le ciel peut s’en charger

plus doucement

sous ton uniforme, camarade, tu t’es fait du mal

tu as peut-être tué la petite amie de ton frère

le parfum du jasmin rend fou

il t’aurait fallu une chicha à la place de ton fusil automatique

vous avez défendu l’indéfendable

et le fuyard avant qu’il ne soit aligné contre un mur

tu étais si patient, Tunisien, maigre, hâve, sans travail

une torche humaine a éclairé votre malheur à Sidi Bouzid

la rue est le boulevard des certitudes

quand il ne reste plus rien

sauf des lacrymogènes et des matraques

image crénelée du coma pour une photo

décès pour diplômes inutiles

tandis que la famille présidentielle se gobergeait

soudain envie de dégobiller

et la France restait drapée dans son quant-à-soi

sa non-ingérence (les droits de l’homme, c’est par où, svp ?)

diplomatie sans courage et en catalepsie

affaires étrangères expulsées de toute conscience

tu manifestais et tu as reçu une balle dans la figure

elle a traversé ton visage comme un flash argentique

la mort était au risque de la vie

sous la voûte céleste Allah ou un autre était grand

mais pas vraiment miséricordieux

arbitre aveugle du champ de bataille

où l’audace a plié la bassesse

jusque dans le caniveau rougi

Benoît Dehort

(Photo : cliquer pour agrandir.)