Archives de 22 juin 2011

Je l’ai retrouvé hier soir au milieu d’autres de ses livres parus aux Editions de Minuit (situées idéalement 7, rue Bernard-Palissy, Paris-VIe), si étroit que je l’ai soumis à ma règle transparente : Instantanés, d’Alain Robbe-Grillet, mesure 9, 4 cm x 17, 9  cm (un 10 x 18 est plus large et un tout petit peu moins haut).

Ce sont des nouvelles, parues en 1962, qui ressemblent à des photographies, d’où le titre sans doute. Des prises de vues littéraires, un style « objectif », des cadrages sans fioritures, du noir et blanc évidemment, les 109 pages en attestent.

J’ai scanné l’exemplaire (quel mot sublime !) à côté d’un crayon qui vient de chez Franprix et qui portait de manière prémonitoire une gomme à son sommet (l’équivalent de l’étoile blanche d’un stylo Montblanc ?).

(Scan : cliquer pour agrandir.)

 Alors, je l’ai relu dans la soirée (trop de bruit dehors, confondu avec de la musique), ce mince volume d’Alain Robbe-Grillet – j’ai repensé aussi à ses films – je ne sais plus quand je l’ai acheté, je n’ai pas noté la date. J’ai regardé ce cliché-là, par exemple, il est vrai que cet auteur classé « Nouveau roman » n’est plus du tout à la mode (tant mieux) :

« Un groupe, immobile, tout en bas du long escalier gris-fer, dont les marches l’une après l’autre affleurent, au niveau de la plate-forme d’arrivée, et disparaissent une à une dans un bruit de machinerie bien huilée, avec une régularité pourtant pesante, et saccadée en même temps, qui donne l’impression d’une grande vitesse à cet endroit où les marches disparaissent l’une après l’autre sous la surface horizontale, mais qui semble au contraire d’une lenteur extrême, ayant d’ailleurs perdu toute brusquerie, pour le regard qui, descendant la série des degrés successifs, retrouve, tout en bas du long escalier rectiligne, comme à la même place, le même groupe dont la posture n’a pas varié d’une ligne, un groupe immobile, debout sur les dernières marches, qui vient à peine de quitter la plate-forme de départ, s’est figé aussitôt pour la durée du parcours mécanique, s’est arrêté tout d’un coup, en pleine agitation, en pleine hâte, comme si le fait de mettre les pieds sur les marches mouvantes avait soudain paralysé les corps, l’un après l’autre, dans des poses à la fois détendues et rigides, en suspens, marquant la halte provisoire au milieu d’une course interrompue, tandis que l’escalier entier poursuit sa montée, s’élève avec régularité d’un mouvement uniforme, rectiligne, lent, presque insensible, oblique par rapport aux corps verticaux.(…) »

(Instantanés, Dans les couloirs du métropolitain, I. – L’escalier mécanique, pages 77-78.)